De quoi s’agit-il ?
Le don sur succession, régi par l’article 788 III du Code général des impôts (CGI) permet de recevoir des libéralités tout en étant exonéré de droits de mutation. Instauré par la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, le dispositif consiste pour un héritier, légataire ou donataire, à donner une partie de sa part à une association ou fondation reconnue d’utilité publique, laquelle ne paiera pas de droits de succession sur cette libéralité. L’héritier bénéficie quant à lui d’un abattement sur les droits de succession à payer à hauteur du montant du don consenti ou de la valeur des biens remis évalués à la date du décès en cas de don en nature. La libéralité doit être effectuée à titre définitif, en pleine propriété et dans les six mois suivant le décès.
Les avis du Think Tank
Catherine Bienvenu (Les petits frères des Pauvres) :
Le dispositif de l’article 788 III du CGI est plutôt simple dans son mécanisme, intellectuellement intéressant puisqu’il déroge au droit commun selon lequel un héritier accepte la succession de son auteur ou y renonce, mais dans les deux cas, la décision porte sur sa part, intégrale et indivisible. Avec le don sur succession, l’héritier se décharge d’une partie de la succession, par exemple en raison de son coût de gestion, tout en faisant oeuvre de bienfaisance. Le don peut porter sur une somme d’argent, des biens en nature, mobilier ou immobilier.
Pourtant en pratique ce dispositif reste exceptionnel. D’une part il est encore trop souvent méconnu des notaires qui ne le proposent donc pas. D’autre part les délais de mise en œuvre sont matériellement difficiles à respecter. Le don sur succession doit en effet être formalisé dans les six mois de l’ouverture de la succession. Cela signifie qu’en six mois, la succession doit être ouverte et réglée, les droits évalués, la donation décidée, acceptée et traitée juridiquement. La tâche est quasiment impossible : pour qu’un héritier arbitre sur ce qu’il va garder, il doit avoir une idée claire de la gestion du bien, etc… Il peut se passer plusieurs mois. Lorsque l’héritier se décide à donner un bien immobilier, c’est souvent en raison des défauts du bien.
Pour ces raisons une oeuvre peut ainsi être amenée à ne pas accepter un tel don, notamment s’il est relatif à un bien délicat à évaluer.
Pour rendre à ce mode original de générosité toute son utilité, un allongement du délai de réalisation est nécessaire, voire indispensable lorsqu’il porte sur des biens immobiliers. Le législateur pourrait s’inspirer utilement du mécanisme de la dation en paiement des droits de succession, pour laquelle seule l’offre de dation doit être effectuée dans les 6 mois, ce qui laisse à l’Etat le temps de prendre sa décision d’accepter et de formaliser ce mode de paiement.
Bertrand Savouré :
Juridiquement, le don est considéré comme effectué, de façon posthume, par le défunt : le bien ou la somme affectée à la FRUP ne passe pas dans la patrimoine de l’héritier, donataire ou légataire. Cette possibilité de donner une fraction de la succession est a priori intéressante si l’héritier avait préalablement l’intention de donner. Il évite ainsi une taxation sur une fraction du patrimoine dont il va se démettre, tant au regard des droits de succession que de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
A y regarder de plus près, compte tenu du montant des droits, même revu à la hausse par la première loi de Finances rectificative pour 2012, le dispositif ne devient attractif que par comparaison aux avantages fiscaux en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques (IR) et ISF. Notons que pour les conjoints et partenaires de Pacs survivants, le dispositif ne présente aucun caractère incitatif puisque ces intéressés sont exonérés de droits de droits de mutation à titre gratuit.
Comme le don sur succession n’est pas cumulable avec le don IRPP (art. 200 du CGI), une comparaison du « gain fiscal » s’impose. Tout va dépendre du taux moyen d’imposition à l’IR et à l’ISF et du bénéficiaire, ainsi que de celui des droits de succession.
Exemple
J’hérite de 1 000 euros et suis taxé à 30 % dans la succession. Je reçois donc 700 euros net. Si je veux donner 1 000, je dois me déposséder de 300 sur mon patrimoine personnel. Mais je réalise une économie d’IRPP. 66% par exemple. Si je suis taxé à 41%, l’économie est de 270. Ici, le choix est quasiment neutre. Si le taux de taxation de la succession est inférieur, il vaut mieux « prendre » la succession et donner soi-même.
De quoi s’agit-il ?
En 2012, l’administration fiscale a souhaité préciser et moderniser les règles liées à la territorialité du don. A sa publication son projet d’instruction fiscale a été vivement critiqué par la société civile, notamment par le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), qui le trouvait trop restrictif et en désaccord avec la mondialisation du mécénat. Ces critiques ont mené à la constitution de la commission à l’origine du Rapport Bachelier qui en février 2013 a fait de nombreuses propositions d’aménagement de la territorialité du don. Il préconise, notamment, que le financement des activités environnementales hors-Europe bénéficie de la réduction d’impôt. Fin 2015, un nouveau projet d’instruction fiscale a été rendu public, le HCVA a été invité à se prononcer sur ce projet qui reprend certaines des propositions du rapport Bachelier.
Avis de Laurence de Nervaux
Fin 2015, l’administration fiscale a présenté un nouveau projet d’instruction administrative sur la territorialité du don. Il reflète différentes choses : la nécessité de se mettre en conformité avec le droit européen, le contexte de l’augmentation du coût fiscal du mécénat, la mondialisation du marché de la générosité publique. L’objectif est ici de préciser les règles de la territorialité, d’identifier les mécènes et les bénéficiaires concernés pour permettre à l’administration fiscale de limiter les coûts du dispositif et éviter que des organisations étrangères puissent bénéficier de façon excessive des avantages du régime fiscal français. Le HCVA a été invité à s’exprimer sur ce projet d’instruction. Le HCVA a préparé son avis sur la base d’un courrier qui lui a été adressé par l’ensemble des instances du secteur.
Cet avis soulève trois points qui posent problème dans l’instruction fiscal :
> La recherche : la recherche est exclue pour les opérations de mécénat effectuées hors d’Europe, sauf si elle relève de l’action humanitaire (pandémies et maladies infectieuses). Dans un contexte d’internationalisation croissante de la recherche, notamment médicale, cela ne semble pas cohérent. Dans le bloc patrimoine diffusion, la diffusion des résultats de la recherche française est, certes, éligible mais pas le financement de la recherche elle-même. C’est pour nous un vrai problème, un véritable coup de frein porté au développement de la recherche.
> Les bourses : le projet exclu du mécénat les bourses visant des études hors de l’Europe. Les bourses des étudiants étrangers venant en France sont financées mais pas celles des étudiants français ou internationaux qui partent hors d’Europe, une exception pour l’humanitaire mise à part. Nous considérons que ce serait handicaper la compétitivité des jeunes français à l’international.
> La collecte : l’exclusion des organisations, qui collectent pour des tiers, est elle aussi problématique. Elle exclue les organisations qui ont un modèle de collecteur redistributeur et l’ensemble de celles qui ont un modèle de bailleur de fonds. Cette disposition méconnaît le fonctionnement actuel de la philanthropie et du mécénat. Aujourd’hui, 74 % des fondations sont redistributives, ce chiffre monte à 85 % pour les plus récentes. Les particuliers comme les entreprises peuvent se saisir de ce modèle pour financer des opérations de terrain sans pour autant avoir de lenteur opérationnelle. A ce titre, demander à ces institutions de justifier de l’intégralité des dépenses sur le terrain est complètement irréaliste. Nous sommes très inquiets du paragraphe 440 du projet, qui se trouve en contradiction avec les objectifs politiques français en matière d’aide au développement.
On se rend compte que parfois même au sein de la puissance publique, il y a un manque de concertation entre Bercy, les affaires étrangères, la culture. Nous faisons ce travail de mise en cohérence des objectifs. Par ailleurs, certains points du projet sont encore en suspens et l’on demande des précisions pour d’autres. Sur le patrimoine culturel, nous avons demandé que soit ajoutée une disposition sur la défense des biens inscrits au patrimoine de l’UNESCO.
Ce projet reflète une période de repli où les états sont réticents à laisser les avantages sortir de leurs frontières. Le risque qu’un régime restrictif sur le financement de projets à l’étranger déclenche des mesures de rétorsion envers notre pays est pourtant réel.
Préconisations possibles
> Mettre en place une concertation entre l’administration fiscale et les acteurs du secteur.
> Mettre en place des outils qui permettent de connaître l’ampleur des flux concernés par la territorialité du don.
> S’assurer de la cohérence et de la stabilité des dispositions qui sont prises.
De quoi s’agit-il ?
L’assurance-vie permet de constituer un capital et de le transmettre dans des conditions fiscales avantageuses à une cause.
Pour les contrats souscrits depuis le 13 octobre 1998 et les primes versées jusqu’au 70 ans de l’assuré, l’article 990 I du Code général des impôts (CGI) prévoit un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire et au-delà une taxation à 20% (ou 25% pour les capitaux décès dépassant 902 838 euros).
Dans le cas des contrats souscrits depuis le 20 novembre 1991 et pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré, l’article 757 B du CGI prévoit un abattement de 30 500 euros. Au delà le montant des primes est taxé au barème des droits de mutation en vigueur.
De quoi s’agit-il ?
Conformément à l’article 885-0- V bis A du Code Général des Impôts (CGI), les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui effectuent un don au profit d’un établissement de recherche ou d’enseignement supérieur ou artistique, d’une fondation reconnue d’utilité publique (FRUP), d’une entreprise d’insertion, d’une entreprise de travail temporaire d’insertion, d’un atelier, chantier d’insertion bénéficient d’une réduction d’impôt de 75 % du montant des sommes données dans la limite de 50 000 euros par an.
L’article 150 duodecies du CGI dispose qu’en cas de donation de titres cotés ouvrant droit à la réduction ISF, le gain net correspondant à la différence entre la valeur des titres retenue pour la détermination de l’avantage fiscal et leur valeur d’acquisition est imposé à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, lors de la donation.
L’administration a commenté ces dispositions (BOI 5 C-4-08, n° 61 du 9 juin 2008), précisant que la fait générateur de l’imposition est constitué par le transfert de propriété juridique des titres, en pratique à la date de l’acte authentique ou sous seing privé constatant le transfert de pratique ou à défaut, à la date du transfert des titres du compte du donateur à celui du donataire. L’administration a en outre précisé que ces dispositions ne s’appliquent pas aux dons de titres démembrés qui n’ouvrent pas droit à une réduction d’ISF.
De quoi s’agit-il ?
Dans le cadre de leurs opérations de mécénat, les entreprises peuvent choisir d’effectuer leur don en nature : dons mobiliers ou immobiliers, réalisation d’une prestation sans contrepartie ou encore apport de compétence. Au lieu d’apporter des financements en numéraire, l’entreprise contribue avec ses moyens, qu’il s’agisse de produits ou de services. Pour bénéficier du régime de faveur de mécénat (article 238 bis du CGI), le donateur sollicite généralement du bénéficiaire du don la délivrance d’une attestation ou reçu fiscal. Le bénéficiaire doit donc être à même de valoriser la contribution du donateur pour établir le reçu.
De quoi s’agit-il ?
L’entrée des dons transfrontaliers dans le champ des dispositifs fiscaux de faveur est enfin effective avec la publication des textes réglementaires. A l’origine, ces dispositifs étaient réservé aux dons versés aux organismes français. Mais dans un arrêt du 27 janvier 2009 Hein Persche (1), la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a considéré que le fait de limiter l’avantage fiscal du mécénat aux dons effectués au profit d’organismes d’intérêt général établis sur le territoire national constitue une entrave à la liberté de circulation des capitaux garanti par l’article 63, paragraphe 1, Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) lorsque les organismes non-résidents satisfont aux conditions imposées par la législation nationale pour l’octroi de cet avantage fiscal.
Les Etats membres ont donc dû modifier leurs dispositifs incitatifs en matière de philanthropie afin de les mettre en conformité avec les exigences de la CJUE. Le Luxembourg, puis la Belgique ont ainsi amendé leur législation. En France, ces modifications sont intervenues en 2009 sur les trois dispositifs concernés (2). Pour les particuliers, il s’agit de l’article 200 1 du Code général des impôts (CGI) qui prévoit la réduction d’impôt sur le revenu au taux de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable du donateur avec faculté de report de l’éventuel excédent sur les 5 années suivantes et l’article 885-0 V bis A du CGI sur la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au taux de 75% du montant du don effectué au profit de certains organismes d’intérêt général, dans la limite de 50.000 euros. Pour les entreprises, il s’agit de l’article 238 bis du CGI qui prévoit la réduction d’impôt sur les bénéfices au taux de 60 % de la valeur des dons dans la limite annuelle de 0,5 % de leur chiffre d’affaires avec faculté de report de l’excédent sur les 5 exercices suivants.
Ce n’est que depuis le 3 mars 2011, avec la publication du décret d’application de la loi (3) ainsi que son arrêté (4) que les modalités d’application de cet assouplissement sont connues.
Les avis du Think Tank
Stéphane Couchoux :
Le législateur a ouvert les différents dispositifs incitatifs aux dons versés à un organisme situé à l’étranger dans un Etat de la Communauté européenne ou de l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale (plus pratiquement l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein), dès lors qu’ils poursuivent des objectifs et présentent des caractéristiques similaires aux organismes français répondant aux conditions fixées par ces dispositifs. Ces organismes sont soumis à une procédure d’agrément afin de démontrer qu’ils sont bien « d’intérêt général » au sens de la législation fiscale française. La demande, qui s’apparente à un rescrit fiscal (tax ruling), doit être assortie de pièces justificatives et notamment : une copie des statuts, tout document attestant l’existence de l’organisme, les comptes annuels, les rapports financiers et d’activité des trois dernières années, et les documents relatifs à la rémunération des dirigeants.
La demande d’agrément sera présentée, en langue française, aux services centraux de la Direction Générale des Finances Publique (DGFiP). Lorsqu’il est accordé, l’agrément est valable pour trois ans, de la date de la notification par l’administration fiscale de sa réponse favorable jusqu’au 31 décembre de la 3ème année suivant cette date. Si l’organisme étranger n’a pas sollicité l’agrément, il appartiendra alors au contribuable donateur français de produire dans les délais de la déclaration d’impôt les pièces justificatives attestant que l’organisme gratifié remplit les conditions fixées par la procédure d’agrément.
L’instauration de cette procédure d’agrément ouvre aux organismes d’intérêt général établis sur le territoire européen de nouvelles opportunités de collecte de dons à partir de la France. Et, avantage non négligeable, la jurisprudence Hein Persche permet également aux organismes français de faire appel à l’ensemble des donateurs établis dans l’Union Européenne.
Frédéric Théret :
La générosité n’a pas de frontières et l’Institut pasteur dénombre déjà des donateurs situés hors de France pour qui des reçus fiscaux ne sont pas établis. Ces donateurs qu’ils soient européens ou non, ne pouvaient en effet jusqu’ici bénéficier de déduction fiscale en France. Grâce au relais de Fondations Pasteur établies à l’étranger, comme c’est le cas aux Etats-Unis, au Canada, au Japon, et plus récemment en Suisse nous avions une première réponse. Ces structures permettant de faire bénéficier les donateurs des dispositions fiscales du droit interne dont ils relèvent. Notre deuxième solution, même si nous l’utilisons moins souvent, consiste à recourir au réseau Trans Giving Europe (TGE) institué par la Fondation de France. Désormais la parution des textes d’application facilite l’appel à la générosité des organismes situés hors de France (Europe et EEE) mais la réciproque est moins vraie. Nous ne disposons pas nécessairement de guidelines claires pour nous faire agréer par l’administration fiscale italienne ou allemande.
Au regard des objectifs de la philanthropie, il apparaît logique de ne pas s’en tenir à une stricte logique territoriale. Par exemple, la recherche médicale intéresse l’humanité tout entière. D’un point de vue fiscal, si l’harmonisation n’est qu’imparfaitement réalisée, le risque est que face à une déperdition unilatérale de recettes fiscales, l’administration ne soit tentée de revenir sur un système actuellement très avantageux. Deuxième conséquence : les organismes français vont se trouver en concurrence avec de nouveaux acteurs, souvent très puissants, comme les fondations italiennes ou américaines. Les cartes vont être rebattues, mais ce seront probablement les plus petits acteurs de la générosité qui vont se trouver fragilisés par cet état de fait.
Sandrine Quilici :
Le législateur n’a ouvert les dispositifs incitatifs qu’aux seuls Etat de la communauté européenne ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. Or, la portée de la décision Hein Persche dépasse largement le cadre européen. En effet, la CJUE a rendu sa décision sur le fondement du principe de la liberté de circulation des capitaux. A la différence du principe de liberté d’établissement qui s’applique aux seuls Etats membres, l’article 63, paragraphe 1, du TFUE, met en œuvre la libéralisation des capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les États tiers. A cet effet, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les États tiers sont interdites. Certes, la Cour a eu l’occasion de préciser qu’il était légitime pour un Etat membre de refuser l’octroi d’un avantage si, notamment en raison de l’absence d’une obligation conventionnelle de ce pays tiers de fournir des informations, il s’avère impossible de vérifier si les conditions posées par la loi (nature de l’activité de l’organisme, modalités de gestion, etc) sont remplies (5). Toutefois, hormis pour des organismes qui se trouveraient dans un Etat ou Territoire non coopératif, la renégociation récente des clauses conventionnelles relatives à l’échange de renseignements ne permet plus à la France de soutenir qu’elle n’est pas en mesure d’obtenir les informations nécessaires.
Ceci étant, une telle ouverture peut poser un problème. En effet, les réductions d’impôts consenties correspondent à une volonté de l’Etat de se décharger sur la société civile de certaines de ses missions d’intérêt général. A cet égard, les dispositifs incitatifs pourraient être limités aux dons adressés à des organismes qui, quelque soit le lieu d’établissement de leur siège, exercent une action sur le territoire national et européen.
L’arrêt « Hein Persche » réserve en effet aux Etats la possibilité de définir les intérêts de la collectivité qu’ils entendent promouvoir. On peut donc imaginer une nouvelle rédaction des textes fiscaux applicables à la philanthropie, les réservant expressément aux seuls organismes exerçant des missions d’intérêt général sur le sol français mais également européen de ne manière à ne pas encourir les foudres de la CJCE (6).
Xavier Delsol :
En pratique, depuis quelques années, l’administration tend à restreindre l’éligibilité au mécanisme de réduction fiscale des dons effectués à des associations françaises qui exercent leur action à l’étranger, y compris dans les Etats membres de l’Union. Seules les actions à caractère strictement humanitaire dans des Etats sous-développés au sens de l’OCDE sont tolérées. Il en est de même en cas de catastrophe naturelle, tremblement de terre, tsunami. Cette pratique de l’administration, s’appuie sur sa documentation propre (7) totalement désuète car à peine remaniée depuis près de trente ans (8), ou encore sur des directives internes qui ne présentent aucun fondement légal.
Cela conduit des choix arbitraires au mépris de l’intention pourtant clairement extensive du législateur : un don à un organisme édifiant des hôpitaux au Liban a peu de chance d’être éligible à la réduction d’impôt au contraire d’un don à un organisme édifiant des hôpitaux en Palestine ; ou encore, un soutien psychologique ou social mais non purement de soins médicaux, même dans un pays sous-développé, n’est pas considéré comme une aide humanitaire et n’est donc pas éligible au régime du mécénat. Ainsi, les organismes qui déposent une demande de rescrit fiscal afin de s’assurer de leur éligibilité voient leur demande quasi systématiquement refusée.
On peut donc s’interroger sur le succès effectif des demandes d’agrément qui seront effectuées par les organismes sans but lucratif situés dans les Etats de l’UE ou de l’EEE (9).
De son côté, la CJUE continue à construire inexorablement l’espace philanthropique européen. En témoigne sa dernière décision du 10 février 2011 Missionwerk qui s’attaque aux inégalités de traitement que peuvent subir les organismes sans but lucratif en matière de droit de succession en l’absence de convention bilatérale de réciprocité sur les legs reçus d’un ressortissant d’un autre Etat membre (10).
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(1) CJUE, 27 janvier 2009, n°318/07.
(3) Décret n°2011-225 du 28 février 2011, JORF n°0051 du 2 mars 2011, texte n°9
(4) Arrêté du 28 février 2011, JORF n°0051 du 2 mars 2011, texte n°12
(5) CJUE , 18 déc. 2007, aff. C101/05, Skartteverket /A
(8) Pour ne donner qu’un seul exemple de caractère désuet : seules sont citées comme illustration d’associations sportives éligibles au mécénat les associations de « sport colombophile ».
(9) Depuis l’arrêt Hein Persche de la CJUE, 27 janvier 2009, affaire C-318/07 et application en France par décret du 28 février 2011, JO du 2 mars
(10) CJUE, 10 février 2011, affaire C-306/04, Missionwerk
De quoi s’agit-il ?
Les contours de la réforme de la fiscalité patrimoniale de 2011 sont les suivants :
> maintien de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;
> baisse – relative – de l’ISF : la première tranche actuelle devrait être supprimée ; le seuil d’entrée à l’ISF passerait de 800.000 euros à 1,31 million d’euros ;
> baisse des taux de l’impôt : pour la tranche allant de 1,31 à 3 millions d’euros, le taux de 0,55% serait ramené à 0,25%, et pour la tranche au-delà de 3 millions d’euros, le taux d’imposition serait de 0,5% ;
> suppression du bouclier fiscal est acquise et corrélativement ;
> application de la réforme dès 2011 : la date de dépôt des déclarations, traditionnellement fixée au 15 juin serait exceptionnellement repoussée au 15 septembre pour laisser à Bercy le temps d’intégrer la réforme.
De quoi s’agit-il ?
La donation temporaire d’usufruit (DTU) consiste à céder, par acte notarié, l’usufruit portant sur un bien ou sur des droits pendant une durée déterminée. Au terme prévu par la convention, usufruit et nue-propriété sont automatiquement réunis, le donateur retrouve donc la pleine propriété du bien.
De quoi s’agit-il ?
Les particuliers bénéficient de deux régimes favorables dans le cadre d’un don :
> La réduction d’impôt sur le revenu prévu par l’article 200 du Code général des impôts (CGI) ;
> la réduction d’ISF instaurée par la loi Tepa du 21 août 2007 et figurant à l’article 885-0- V bis du CGI.
Or, cet automne, le gouvernement a affiché son objectif de réduire les niches fiscales. Le projet de loi de Finances pour 2011, qui a refiscalisé plusieurs de ces avantages fiscaux a pourtant épargné les réductions d’impôt pour dons. Le ministre du budget François Baroin, a en effet affirmé, le 14 septembre 2010 qu’une telle solution ne pouvait être envisagée, le don constituant un lien de la politique sociale dépourvu, en outre, de retour sur investissement. Il a en outre ajouté que « le don n’est pas tout à fait un élément d’une niche fiscale » (source AFP). La question qui se pose est donc de savoir si la réduction d’impôt liée à un don peut ou non être considérée comme une niche fiscale à part entière ?
Les avis du Think Tank
Daniel Gutmann :
Pour savoir si la réduction d’impôt pour don est une « niche fiscale », encore faut-il définir la notion de « niche ». Or, on ne dispose pas de définition juridique précise de ce concept. En revanche, il existe une définition de la notion de « dépense fiscale », et c’est à cette notion que fait référence le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires Entreprises et « niches » fiscales et sociales du 6 octobre dernier. D’origine administrative, la définition de ces dépenses fiscales demeure floue : elle recouvre les dispositions dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de charge fiscale par rapport à ce qui résulterait de l’application des principes généraux du droit fiscal français. Les critères des dépenses fiscales ont, en outre, varié dans le temps. Depuis le budget 2009, seul le caractère d’absence de généralité de la mesure est retenu : est ainsi considéré comme une dépense fiscale un avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d’opérations.
A la lecture d’une telle définition, les dispositifs incitatifs au don, dérogations manifestes à la norme ordinairement applicable, peuvent être classés parmi les dépenses fiscales. Cependant, le rapport publié en 2003 par le Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire qui dresse une typologie des dépenses fiscales propose de distinguer entre les allègements structurels et les instruments de politique publique, rangeant expressément la réduction pour dons dans la seconde catégorie.
Sandrine Quilici :
Les deux dispositifs ne sont pas vécus par les donateurs comme une niche fiscale. Les philanthropes perçoivent essentiellement l’avantage fiscal comme un moyen de donner plus. Ainsi, ils n’arbitrent pas entre la réduction d’ISF pour dons et celle pour investissement dans les PME. Le plus souvent, les donateurs présentent un profil particulier, leur vocation philanthropique est généralement ancienne et pérenne ; bien qu’apprécié, l’avantage fiscal ne déclenche pas le don.
Virginie Seghers :
Il paraît évident que les petits donateurs n’estiment pas bénéficier d’une niche fiscale lorsqu’ils effectuent un don. Pour les grands donateurs, le raisonnement est différent car, en valeur absolue, l’avantage fiscal est très substantiel. Si la fiscalité n’est pas leur première motivation pour donner, la stratégie fiscale ne peut les laisser indifférents. Par ces avantages fiscaux, les pouvoirs publics encouragent la générosité privée pour compléter les subventions publiques et souvent en prendre le relais. Plutôt que de parler de niche fiscale, il conviendrait de comparer l’efficacité relative du don d’un particulier et celle d’une subvention publique. Si les sommes étaient directement versées dans les caisses de l’Etat, seraient-elles dépensées plus efficacement au profit de l’intérêt général ? L’Etat est-il aujourd’hui à l’origine d’approches innovantes pour le bien commun, ou naissent-elles de la société civile ? Voilà deux questions intéressantes à se poser ! Pour l’ISF – dont la suppression est évoquée –, il faut reconnaître que la loi Tepa a créé une innovation majeure plus qu’une niche fiscale, en permettant au contribuable d’affecter librement une part de son impôt à une cause d’utilité publique.
De quoi s’agit-il ?
Lors d’une succession, un héritier peut, s’il le souhaite, faire un don à un organisme à but non lucratif, et ce sous forme numéraire ou physique. Dans ce cas de figure, l’abattement fiscal sera de la totalité de la valeur du don, comme le stipule un article du code général des impôts. Mais ce mécanisme, pourtant simple, rencontre quelques problèmes pratiques qui engendrent une rareté de son utilisation lors de successions.