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De quoi s’agit-il ?

 

Dans le cadre de leurs opérations de mécénat, les entreprises peuvent choisir d’effectuer leur don en nature : dons mobiliers ou immobiliers, réalisation d’une prestation sans contrepartie ou encore apport de compétence. Au lieu d’apporter des financements en numéraire, l’entreprise contribue avec ses moyens, qu’il s’agisse de produits ou de services. Pour bénéficier du régime de faveur de mécénat (article 238 bis du CGI), le donateur sollicite généralement du bénéficiaire du don la délivrance d’une attestation ou reçu fiscal. Le bénéficiaire doit donc être à même de valoriser la contribution du donateur pour établir le reçu.

 

Les avis du Think Tank

 

Frédéric Théret :

Les dons en nature sont assez fréquents. A titre d’exemple, nous avons récemment reçu d’une entreprise un matériel de séquençage pour l’une des unités de recherche de l’Institut Pasteur dédiées au Sida. Nous recevons également parfois des œuvres d’art, des bijoux, des lingots… Lorsque nous cédons ces biens en ventes aux enchères, comme nous le faisons pour les œuvres d’art par exemple, l’établissement du reçu fiscal est aisé. Nous y portons la somme correspondant au produit net de la vente. L’exercice est plus délicat pour les biens qui ont vocation à rentrer dans le patrimoine de l’Institut. Ainsi, nous avons reçu par le passé des pastels réalisés par Louis Pasteur. Ces témoignages très précieux pour nous, qui sont venus enrichir les collections de notre Musée, n’ont pas de valeur objective. Comment procéder à l’édition d’un reçu fiscal ? Faut-il recourir à une expertise ? Croiser plusieurs avis d’experts ? De même, pour du matériel, il nous faut arbitrer entre prix de vente au catalogue, le prix de revient, etc. Pour les organismes émetteurs de reçus fiscaux il est essentiel de mettre en place de bonnes pratiques afin de s’assurer de la correcte valorisation des biens donnés.

 

Gwenaëlle Dufour :

Chez France Générosités, nous constatons un développement important des dons en nature, comme des produits alimentaires de la part de la grande distribution, mais aussi du mécénat d’entreprise. Nombreux sont les appels des membres qui s’interrogent sur la valorisation de ces deux types de dons.

Pour un don en nature portant sur un bien qui figure dans les stocks de l’entreprise, la valeur à retenir est celle du prix de revient du bien. L’entreprise doit donc communiquer la valeur en stock des biens donnés afin que l’organisme bénéficiaire puisse établir correctement son reçu fiscal (Doc. Adm 4 C 711). En présence d’un bien immobilier, la valeur à retenir est celle qui est inscrite dans l’acte notarié de donation.

En cas de biens donnés puis vendus aux enchères, comme les œuvres d’art, la valorisation du bien mobilier correspondra au produit net de la vente. Il faut en revanche rappeler de façon très ferme que le reçu fiscal est établi à destination du seul donateur du bien et en aucun cas à destination de l’acheteur final.

Pour le mécénat de compétences, la prestation offerte doit être retenue pour son prix de revient. Ainsi, lorsque des salariés sont mis à disposition quelque heures par semaine auprès de l’organisme bénéficiaire, il s’agira ainsi du coût du salaire chargé appliqué aux heures effectivement allouées par l’entreprise (Doc. Adm. 4 C 5 04, n° 50).

 

François Rubio :

La pratique du coût de revient pour le matériel neuf conduit les entreprises à communiquer leur marge. Dans les faits, certaines entreprises, notamment dans le secteur de la pharmacie, répugnent à le faire et préfèrent ne pas solliciter de reçu. Pour certaines entreprises, la très grande différence entre le prix de revient et le tarif de vente rend l’application de la règle d’évaluation délicate. Tel est le cas par exemple des pages gratuites allouées par les entreprises de presse aux associations pour leur communication.

Pour les immobilisations, le don se traduit par la réalisation d’une plus ou moins value correspondant à la différence entre la valeur vénale du bien appréciée à la date du don et sa valeur nette comptable imposable au taux de droit commun. Il génère aussi une perte déductible au taux de droit commun au titre de l’exercice de réalisation du don (Doc. Adm 4 C 711). Lorsque les entreprises donnent aussi matériel usagé, comme des bureaux déjà amortis au bilan, c’est alors la valeur nette résiduelle qui doit être prise en compte. Pour un bien totalement amorti, la valeur sera nulle.

 

Stéphane Couchoux :

Par ailleurs, l’exercice d’évaluation peut se révéler particulièrement périlleux lorsque l’entreprise donne des biens qui ne figure pas à son bilan comme des archives photographiques, car cela soulève un doute sur l’origine de propriété. Doit-on l’inscrire au bilan préalablement à la donation ? Ou se limiter à une mention à l’annexe ? Ce choix n’est fiscalement pas neutre car, toute sortie d’actif entraîne une potentielle plus-value. Avant de donner un bien, il est donc essentiel de bien estimer le coût fiscal d’une telle opération.

Qui est responsable de l’évaluation des biens donnés ? Il est important de rappeler que dans le cadre du mécénat d’entreprise, l’organisme bénéficiaire du don n’est jamais tenu d’émettre un reçu fiscal (Rescrit N°2009/44 (FE) du 21 juillet 2009). S’il le fait, ou même s’il précise une valorisation dans un échange de mail, il met en jeu sa responsabilité. En effet, aux termes de l’article 1740 A du CGI, tout organisme qui délivre irrégulièrement des certificats, reçus, états ou attestations permettant à un contribuable d’obtenir le bénéfice d’une déduction du revenu ou du bénéfice imposable ou une réduction d’impôt est passible d’une amende fiscale égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents.

Pour sa part, le contribuable qui se prévaut de ce document n’encourt aucun redressement, sauf si l’administration prouve sa mauvaise foi ou l’existence de manœuvres frauduleuses, comme la collusion avec la personne ou l’organisme ayant délivré l’attestation. De plus, les dirigeants de droit ou de fait en fonction au moment de la délivrance de ces reçus sont solidairement responsables du paiement de l’amende si leur mauvaise foi est établie. Reste que l’organisme ne peut inventer des chiffres, il est donc obligé de s’en tenir aux informations transmises à l’entreprise. En pratique je n’ai vu que dans de très rares cas l’administration contester l’estimation opérée.