|

De quoi s’agit-il ?

 

En 2012, l’administration fiscale a souhaité préciser et moderniser les règles liées à la territorialité du don. A sa publication son projet d’instruction fiscale a été vivement critiqué par la société civile, notamment par le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), qui le trouvait trop restrictif et en désaccord avec la mondialisation du mécénat. Ces critiques ont mené à la constitution de la commission à l’origine du Rapport Bachelier qui en février 2013 a fait de nombreuses propositions d’aménagement de la territorialité du don. Il préconise, notamment, que le financement des activités environnementales hors-Europe bénéficie de la réduction d’impôt. Fin 2015, un nouveau projet d’instruction fiscale a été rendu public, le HCVA a été invité à se prononcer sur ce projet qui reprend certaines des propositions du rapport Bachelier.

 

Avis de Laurence de Nervaux

 

Fin 2015, l’administration fiscale a présenté un nouveau projet d’instruction administrative sur la territorialité du don. Il reflète différentes choses : la nécessité de se mettre en conformité avec le droit européen, le contexte de l’augmentation du coût fiscal du mécénat, la mondialisation du marché de la générosité publique. L’objectif est ici de préciser les règles de la territorialité, d’identifier les mécènes et les bénéficiaires concernés pour permettre à l’administration fiscale de limiter les coûts du dispositif et éviter que des organisations étrangères puissent bénéficier de façon excessive des avantages du régime fiscal français. Le HCVA a été invité à s’exprimer sur ce projet d’instruction. Le HCVA a préparé son avis sur la base d’un courrier qui lui a été adressé par l’ensemble des instances du secteur.

 

Cet avis soulève trois points qui posent problème dans l’instruction fiscal :

> La recherche : la recherche est exclue pour les opérations de mécénat effectuées hors d’Europe, sauf si elle relève de l’action humanitaire (pandémies et maladies infectieuses). Dans un contexte d’internationalisation croissante de la recherche, notamment médicale, cela ne semble pas cohérent. Dans le bloc patrimoine diffusion, la diffusion des résultats de la recherche française est, certes, éligible mais pas le financement de la recherche elle-même. C’est pour nous un vrai problème, un véritable coup de frein porté au développement de la recherche.

> Les bourses : le projet exclu du mécénat les bourses visant des études hors de l’Europe. Les bourses des étudiants étrangers venant en France sont financées mais pas celles des étudiants français ou internationaux qui partent hors d’Europe, une exception pour l’humanitaire mise à part. Nous considérons que ce serait handicaper la compétitivité des jeunes français à l’international.

> La collecte : l’exclusion des organisations, qui collectent pour des tiers, est elle aussi problématique. Elle exclue les organisations qui ont un modèle de collecteur redistributeur et l’ensemble de celles qui ont un modèle de bailleur de fonds. Cette disposition méconnaît le fonctionnement actuel de la philanthropie et du mécénat. Aujourd’hui, 74 % des fondations sont redistributives, ce chiffre monte à 85 % pour les plus récentes. Les particuliers comme les entreprises peuvent se saisir de ce modèle pour financer des opérations de terrain sans pour autant avoir de lenteur opérationnelle. A ce titre, demander à ces institutions de justifier de l’intégralité des dépenses sur le terrain est complètement irréaliste. Nous sommes très inquiets du paragraphe 440 du projet, qui se trouve en contradiction avec les objectifs politiques français en matière d’aide au développement.

 

On se rend compte que parfois même au sein de la puissance publique, il y a un manque de concertation entre Bercy, les affaires étrangères, la culture. Nous faisons ce travail de mise en cohérence des objectifs. Par ailleurs, certains points du projet sont encore en suspens et l’on demande des précisions pour d’autres. Sur le patrimoine culturel, nous avons demandé que soit ajoutée une disposition sur la défense des biens inscrits au patrimoine de l’UNESCO.

 

Ce projet reflète une période de repli où les états sont réticents à laisser les avantages sortir de leurs frontières. Le risque qu’un régime restrictif sur le financement de projets à l’étranger déclenche des mesures de rétorsion envers notre pays est pourtant réel.

 

Préconisations possibles

 

> Mettre en place une concertation entre l’administration fiscale et les acteurs du secteur.

> Mettre en place des outils qui permettent de connaître l’ampleur des flux concernés par la territorialité du don.

> S’assurer de la cohérence et de la stabilité des dispositions qui sont prises.