La conséquence de la réforme (2011) de l’ISF sur les dons
De quoi s’agit-il ?
Les contours de la réforme de la fiscalité patrimoniale de 2011 sont les suivants :
> maintien de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;
> baisse – relative – de l’ISF : la première tranche actuelle devrait être supprimée ; le seuil d’entrée à l’ISF passerait de 800.000 euros à 1,31 million d’euros ;
> baisse des taux de l’impôt : pour la tranche allant de 1,31 à 3 millions d’euros, le taux de 0,55% serait ramené à 0,25%, et pour la tranche au-delà de 3 millions d’euros, le taux d’imposition serait de 0,5% ;
> suppression du bouclier fiscal est acquise et corrélativement ;
> application de la réforme dès 2011 : la date de dépôt des déclarations, traditionnellement fixée au 15 juin serait exceptionnellement repoussée au 15 septembre pour laisser à Bercy le temps d’intégrer la réforme.
Les avis du Think Tank
Gwenaëlle Dufour :
France Générosités reste vigilant quant aux modifications que le Gouvernement pourrait apporter à l’ISF, notamment depuis que la loi de finances pour 2011 a réduit le dispositif TEPA-PME et, de façon indirecte celui des dons-ISF aux fondations reconnues d’utilité publiques (FRUP). Pour mémoire, la réduction ISF-PME prend en compte 50% de l’investissement dans la limite de 45.000 euros (art. 885-0 V bis du CGI) ; si le dispositif applicable aux dons ISF n’a pas bougé en tant que tel (art. 885-0 V bis A du CGI), – la réduction d’impôt reste de 75 % du montant du don plafonné à 50.000 euros – le cumul des deux est soumis au plafond de 45.000 euros. Par conséquent, lorsque le don se double d’un investissement PME, le plafond de la réduction d’ISF est de 45.000 euros.
A première vue, le projet de réforme de la fiscalité du patrimoine constituerait une seconde atteinte au dispositif. Malheureusement, nous ne disposons pas de statistiques précises sur le profil ISF des donateurs, le montant de leur patrimoine, etc. Mais il est probable que les donateurs dont le patrimoine s’évalue entre 800.000 et 1,3 million d’euros vont sortir de l’ISF et ceux-là représenteraient des dons de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros. Non seulement les fondations risquent de perdre des donateurs potentiels, ceux qui étaient motivés par l’économie d’impôt, mais nous nous interrogeons également sur le sort des dons effectués depuis le 1er janvier, la réforme risquant de s’appliquer pour l’impôt 2011. En effet, si juridiquement, les dons effectués conformément à la loi ne peuvent être remis en cause, face à un gros donateur souhaitant revenir sur tout ou partie de son geste, il sera délicat de lui opposer un refus. La solution consisterait à faire basculer tout ou partie du don dans le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu (art. 200 du CGI).
Jean-Yves Mercier :
La réforme abroge également le bouclier fiscal et en cela elle peut avoir des effets favorables pour les fondations. Comment ? Les titulaires du droit à restitution n’avaient à cet égard pas intérêt à faire baisser leurs impositions par le jeu des niches fiscales. La suppression du bouclier fiscal va renouveler pleinement leur intérêt à réduire leur ISF. Le dispositif ISF-Don peut les intéresser.
Philippe-Henri Dutheil :
La vive inquiétude ressentie au début de la réflexion sur le sort de l’ISF s’est quelque peu calmée quand il n’a plus été question de sa suppression. Passé ce risque, les craintes portent désormais quant au rendement du dispositif. En 2010, les dons ouvrant droit à la réduction ISF ont représenté plus de 60 millions d’euros, contre 50 millions d’euros en 2009. Certes, cette collecte est inférieure à celle du dispositif PME qui a atteint le milliard d’euros en 2010 mais elle est toutefois en progression, de l’ordre de 20 %. Ce n’est pas négligeable compte tenu de la raréfaction des subventions du secteur associatif depuis une quinzaine d’années.
En second lieu, le relèvement du seuil d’imposition de l’ISF à la seconde tranche actuelle, c’est-à-dire à 1,3 million d’euros ferait échapper environ 500.000 foyers fiscaux à l’impôt ; les associations pourraient perdre autant de donateurs potentiels motivés par l’incitation fiscale. En effet si l’on se base sur les statistiques relatives au dispositif de réduction d’impôt sur le revenu, il apparaît qu’une grande partie des donateurs sont les contribuables se situant dans les tranches moyennes d’imposition à l’IR, voire les contribuables modestes. Transposée à l’ISF, cette typologie fait craindre que les 500.000 futurs ex-redevables constituent la masse principale des donateurs ISF.