Après avoir bénéficié d’une couverture médiatique positive pendant plusieurs années au début de la décennie 2010, la philanthropie connaît, depuis 2017, davantage de remises en cause et de polémiques : présentation du don comme niche fiscale ou encore défiance à l’égard des riches donateurs, comme nous avons pu le constater après l’incendie de Notre-Dame au printemps 2019. Mais si certaines initiatives privées en faveur de l’intérêt général sont parfois critiquables, beaucoup de reproches sont le fruit d’une méconnaissance et/ou incompréhension de ce qu’est la philanthropie et de ce qu’elle apporte.
De manière générale, il nous semble possible de classer les critiques de la philanthropie en trois grands thèmes :
L’argument éthique
Cet argument est celui qui est le plus souvent utilisé contre la philanthropie. En acceptant les dons de certaines entreprises ou de certains donateurs, elle se rendrait coupable d’une forme de purpose washing. Si le sujet n’est pas nouveau, il est de nouveau mis en avant à l’heure où la responsabilité des entreprises et l’imposition des plus fortunés deviennent des sujets de société.
- En ce qui concerne les motivations du donateur, celles-ci sont toujours multiples et rarement univoques (liées à son histoire, à ses opinions ou encore à ses croyances). En revanche, si elles s’appliquent à respecter la volonté de leurs donateurs, les associations restent contraintes par d’autres éléments : leur objet social, leurs bénéficiaires… Et doivent rendre des comptes sur l’utilisation des dons. « Dans ma pratique professionnelle, je vois d’abord des personnes animées d’un désir sincère de faire le bien et de bien le faire », souligne Stéphane Couchoux, avocat responsable du secteur “Fondations, Mécénat & Entreprises“ chez Fidal ; « nous les accompagnons dans la rédaction de charte par exemple. »
- « Il m’est arrivé de refuser l’argent de certains donateurs, indique ainsi Daniel Bruneau de la fondation Petits Frères des Pauvres, parce que le donateur demandait à ce que son chèque soit utilisé pour “des français”. Notre doctrine a toujours été d’aider ceux qui en ont besoin, quel que soit leur origine ou leur religion. ». Donc oui, des associations se préoccupent de la question éthique quand il faut accepter ou non un don.
- Ce souci éthique peut rejoindre un enjeu stratégique. « Certaines associations refusent les dons de certaines entreprises ou qu’un donateur ait trop d’importance et font en sorte de limiter leur part dans la collecte globale de l’association », précise Daniel Bruneau.
- Du côté des entreprises, la loi et la jurisprudence encadrent de façon claire les partenariats avec les organisations relevant de l’intérêt général et proposent plusieurs modes : le mécénat, le parrainage ou encore la vente de prestations.
- Au fil du temps, les donateurs et les associations collectrices se sont dotés d’outils pour éviter l’écueil de comportements critiquables : Charte du Don en Confiance, charte d’Admical, de l’AFF. « La charte du mécénat d’entreprise va d’ailleurs être mise à jour dans un référentiel de déontologie suite à un travail de trois ans animé par Le Don en Confiance, avec l’IDAF, le Mouvement Associatif et les membres de la Coalition Générosité.», révèle François Debiesse, président de l’Admical.
- « En tant que dirigeant d’association, je considère que je n’ai pas de morale à faire aux donateurs. Ma première responsabilité consiste à être garant des bonnes pratiques de mon organisation », objecte Daniel Bruneau.
Le rapport à l’État
Un lieu commun des critiques de la philanthropie est d’opposer le rôle de cette dernière (qui relève en effet de l’initiative privée) au rôle de l’État. Pourtant, cette critique ne résiste pas à l’épreuve des faits :
- « Des associations, l’État, des collectivités territoriales, des entreprises mécènes, des philanthropes grands ou petits agissent souvent de concert en se regroupant autour de projets de territoires », illustre François Debiesse. Action de l’État et des philanthropes, loin d’être concurrentes, servent ainsi souvent les mêmes buts.
- « La plupart des associations collectrices mènent également des actions de plaidoyer auprès de l’État et elles le font généralement pour réclamer son intervention », indique Daniel Bruneau. Sur les questions de pauvreté, de santé ou d’environnement par exemple, elles combattent ainsi le désengagement de l’État et le font… grâce à leurs donateurs. De nombreux philanthropes considèrent d’ailleurs l’adoption de la solution qu’ils financent par l’État comme leur but final.
- De plus, avant d’opposer philanthropie et État, il faut constater que1 :
– La philanthropie existe parce que l’État le permet et l’encourage : plusieurs pays dans le monde ne proposent pas d’avantages fiscaux liés au don, d’autres (souvent totalitaires) interdisent purement et simplement les dons. D’ailleurs, en France, les changements de majorité n’ont pas vu de différences notables dans le traitement de la philanthropie ;
– L’État contrôle (Bercy…) les donateurs, les bénéficiaires, l’action des entreprises mécènes, l’action des associations et des fondations… ;
– Les moyens d’action des États demeurent très supérieurs aux moyens déployés par les entreprises mécènes, les donateurs et les philanthropes.
- C’est d’ailleurs parfois grâce à la philanthropie que l’État s’intéresse à une cause et/ou décide de proposer des politiques répondant à des problématiques nouvelles et qu’il n’a pas forcément identifié au premier abord. Récemment, ce fut le cas de l’endométriose ou encore de certaines atteintes à l’environnement ou aux animaux.
- Enfin, « la philanthropie, c’est notre part de liberté », confie Daniel Bruneau : encadrée par la loi dans ses objets mais instrument de pluralisme grâce à la liberté de choix qu’elle offre : causes, bénéficiaires et modes d’actions.
Rapport au capitalisme/aux inégalités/à la fiscalité
Le dernier principal reproche fait à la philanthropie est qu’elle serait un moyen de perpétuer les inégalités liées au modèle libéral. De plus, elle est accusée d’agir en s’appuyant sur une fiscalité qui amputerait l’État d’une partie de ses ressources.
- S’il y a amputation, elle est modeste. Le coût des réductions d’impôt pour les dons des particuliers et des entreprises est de l’ordre de 5 milliards d’euros, à comparer aux 450 milliards d’euros de budget de l’État.
- La lutte contre la fraude fiscale est évidemment un enjeu important mais, en tant qu’association « ce n’est pas notre job de vérifier » ce que font les donateurs grands ou petits, nous dit Daniel Bruneau. De plus, les acteurs de l’intérêt général ne sont pas outillés pour investiguer les pratiques de chacun de leurs donateurs.
- Une grande part des critiques faites à la philanthropie tient à l’avantage fiscal qui l’encourage (sans pour autant effacer son coût d’ailleurs). Un enjeu plus important est certainement de « rendre l’impôt plus pertinent et plus compris », convient Daniel Bruneau. De ce point de vue, la philanthropie comme forme d’imposition choisie permet de rendre ce sens à l’impôt.
- D’ailleurs, l’État oriente et organise la philanthropie, en créant un avantage fiscal spécifique pour les dons faits aux associations d’aide aux plus démunis par exemple. « L’exclusion du régime du mécénat de certaines dépenses liées à la transition écologique interroge », note Stéphane Couchoux.
- « Le livre blanc de la Coalition Générosité2 publié à l’occasion de l’élection présidentielle ne comporte aucune revendication portant sur les questions de fiscalité », souligne François Debiesse. Il est tourné vers le développement de la générosité et la mise en place d’actions en ce sens.
1MOOC de la FdF – Chaire philanthropie de l’ESSEC – Arthur Gautier et Anne-Claire Pache
À l’occasion du premier webinaire de l’année 2022, les experts du Think Tank se sont retrouvés le 10 février pour échanger et débattre avec le journaliste et essayiste Vincent Edin sur son ouvrage « Quand la charité se fout de l’hôpital : Enquête sur les perversions de la philanthropie ».
Avec son titre provocateur, cet essai publié aux éditions Rue de l’échiquier résonne dans le secteur depuis sa sortie en 2021. Véritable pamphlet sur la générosité des « ultra-riches », Vincent Edin y dénonce l’hypocrisie de la philanthropie dite moderne, en pointant du doigt les comportements des 0,01% plus riches de France, la complicité des politiques et des mécènes au service de l’image, mais aussi la fiscalité et ses avantages attribués aux évadés fiscaux.
À travers ces 4 grands chapitres, l’ouvrage nous invite dans un premier temps à nous questionner sur les différences entre « charité » et « solidarité », en rappelant notamment les fondements de l’histoire sociale de la France. Puis il propose un parallèle avec la philanthropie américaine, dénonçant les limites de son modèle, pour ensuite se pencher sur le cas français. Défenseur d’un Etat social fort, Vincent Edin expose en dernière partie plusieurs pistes pour repenser les modèles de la générosité ; parmi elles, la volonté de redonner à l’État sa juste place, seul véritable garant de la solidarité selon l’auteur, ou encore la suppression du concept de milliardaire.
La philanthropie est-elle intrinsèquement mauvaise ? l’État a-t-il sa part de responsabilité face aux dérives de certains « utra-riches » ? La philanthropie d’entreprise est-elle systématiquement critiquable ? Une matinée sous le signe du débat pour les experts du Think Tank, qui a donné lieu à des échanges constructifs rappelant à tous la distinction à faire entre la philanthropie en tant que telle (ce qu’elle est par nature), et certaines limites de l’écosystème dans lequel elle évolue.
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Pour cette fin d’année 2021, les experts du Think Tank de la Philanthropie se sont retrouvés le 16 décembre pour un webinaire consacré à l’incroyable phénomène de collecte Z Event. À cette occasion, Le Think Tank recevait Alexandre Dachary, plus connu sur la toile sous le nom de Dach, l’un des co-fondateurs du Z Event.
Véritable marathon du jeux vidéo, cet événement a bouleversé le secteur en réinventant les codes de la collecte traditionnelle, et ne cesse de prouver sa réussite avec des records de dons à chaque nouvelle édition. Après une première session en 2016 pour l’association Save the Children qui a permis de collecter 170 000 euros, c’est plus de 10 millions d’euros qui sont reversés 5 ans plus tard, en octobre 2021, à l’association Action contre la Faim. Une courbe des montants en pleine croissance depuis l’origine du projet, qui interroge sur le développement de mécaniques innovantes au service de la philanthropie, mais également sur l’avenir du concept Z Event lui-même.
Quel est le montant moyen du don sur une telle opération ? Quels sont les profils de ces nouveaux donateurs ? Quel(s) critère(s) de choix pour sélectionner l’association bénéficiaire ? De la naissance du projet en passant par la rétrospective des montants de collecte sur ces 6 dernières années, Alexandre Dachary a partagé aux experts les coulisses de l’opération Z Event, en faisant part de son enthousiasme et ses réflexions face à l’impact du phénomène sur le secteur de la philanthropie.
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Le 23 septembre dernier, le Think Tank de la Philanthropie proposait à ses membres de se retrouver pour un nouveau webinaire sur le thème « Charité et Philanthropie : Origines et Histoire ». À cette occasion, le cercle des experts accueillait Christian Topalov, sociologue et historien, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, dans le cadre de la publication de son ouvrage « Philanthropes en 1900 ». Une vision complétée par l’histoire et la philanthropie pasteurienne racontée par Annick Perrot, ancienne conservatrice du Musée Pasteur et Frédéric Grosjean, responsable des legs et de la gestion du patrimoine immobilier à l’Institut Pasteur. L’occasion de se replonger dans les origines et les récits ayant façonné la philanthropie moderne d’aujourd’hui.
Publié en 2019, l’ouvrage « Philanthropes en 1900 » est le fruit d’une étude des mondes de la philanthropie dans quatre grandes villes : Londres, New York, Paris et Genève. L’année 1900 n’a pas été choisie au hasard puisqu’elle correspond à un moment de floraisons exceptionnelles des œuvres : on parlait alors de « printemps charitable ». En traçant l’origine des œuvres philanthropiques parisiennes de l’époque, Christian Topalov nous dévoile un réseau de régions connectées les unes avec les autres. Parmi elles, on trouve « l’establishment réformateur », caractérisé par ces hommes aux carrières brisées par la victoire politique des républicains, qui, à travers leurs actions philanthropiques, tentent de conserver une place dans la société ; ou encore le réseau de « l’Oppression de l’Archiduché », caractérisé par des œuvres d’aspiration catholique.
Christian Topalov, à travers le récit de vie et de carrière de ces grands philanthropes, nous rappelle également que la charité à cette époque, au-delà d’un mouvement ayant pour volonté l’aide à autrui, était une obligation sociale : elle répondait à un enjeu mondain (l’achat de la responsabilité) ; un enjeu politique (la légitimité à diriger des idées) et à un enjeu de genre (l’opportunité pour les femmes de se créer un espace d’activité publique). Annick Perrot et Frédéric Grosjean ont ensuite rappelé la place qu’occupait à l’époque l’Institut Pasteur au sein de ces réseaux et connexions. Le premier appel à la générosité, porté par Louis Pasteur le 1er mars 1886, marque le début d’un enthousiasme et d’un élan de générosité en France et au-delà. Certaines grandes figures emblématiques ont contribué à ce rayonnement de la philanthropie du XIXe au bénéfice de l’Institut Pasteur. Parmi elles, on retrouve le Comte de Laubespin, considéré comme le premier donateur « pour la cause de la recherche », la mystérieuse Madame Lebaudy, l’une des rares philanthropes souhaitant garder son anonymat, aussi appelée « Madame X », ou encore le haut financier bordelais Daniel Iffla, agissant sous le pseudonyme romanesque d’Osiris.
Frédéric Grosjean a enfin rappelé que la philanthropie liée à la recherche médicale et scientifique n’a cessé d’évoluer à travers l’histoire des maladies et l’innovation des outils permettant de manifester sa générosité. Elle a cependant gardé une constante de 1900 à nos jours : elle offre aux philanthropes la possibilité d’être bien plus que des donateurs : des acteurs du changement social.
Quelle est l’histoire autour du terme « philanthropie » ? Les philanthropes de l’époque étaient-ils soumis à la critique de l’opinion publique comme on peut l’observer aujourd’hui à l’égard de grands philanthropes ? Quels sont les facteurs de succès de l’Institut Pasteur en tant que collecteur de fonds ? Autant de questions autour desquelles les intervenants ont pu partager leurs points de vue et réflexions.
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À l’occasion du 117e Congrès des notaires, le Think Tank de la Philanthropie consacre deux épisodes de son podcast à la RAAR (renonciation anticipée à l’action en réduction) pour compléter vos propres réflexions et connaissances sur la fiducie philanthropique.
Retrouvez tous les épisodes du podcast du Think Tank de la Philanthropie, ici : https://philanthropie.pasteur.fr/publications/podcast/
Les experts du Think Tank de la Philanthropie se sont retrouvés lors d’un webinaire le 17 juin dernier pour discuter de « l’innovation philanthropique » à travers l’analyse des grandes tendances de l’investissement à impact en Europe et l’étude de la création du premier fonds de pérennité en France.
C’est en tant que représentante de l’EVPA, le réseau européen des investisseurs à impact, que Sophie Faujour est revenue sur l’étude The 2020 Investing for Impact Survey publiée par l’organisation au début de l’année. Cette étude détaille l’évolution des investissements à impact en 2020. L’étude se penche plus particulièrement sur les investissements pour l’impact (l’accompagnement de jeunes projets selon une logique d’innovation sociétale) qui sont à distinguer des investissements avec impact (l’accompagnement de projets établis selon une logique de minimisation des risques), en dégageant plusieurs grandes tendances : des investissements en augmentation (+ 12%) ; un marché mature porté par la croissance du nombre des acteurs et la professionnalisation du secteur ; le développement de la collaboration entre acteurs et le rôle grandissant des investisseurs auprès des porteurs de projet dans le contexte de la crise sanitaire notamment ; l’engagement massif des grandes entreprises en accord avec la définition de leur raison d’être et leur politique RSE.
Stéphane Couchoux, avocat fiscaliste spécialiste du mécénat, est quant à lui revenu sur la création du premier fonds de pérennité en France : le fonds Élémentaire, lancé en septembre 2020. Créé sur le modèle du fonds de dotation par la loi PACTE en 2017, le fonds de pérennité se distingue néanmoins par sa vocation économique : il détient une ou plusieurs sociétés à la pérennité desquelles il doit d’abord contribuer. À cela s’ajoute la possibilité de soutenir ou de mener des actions d’intérêt général. Dans le cas d’Élémentaire, le fonds de pérennité soutient à la fois une entreprise à mission – également créée dans le cadre de la loi PACTE – qui commercialise en ligne des sous-vêtements pour enfants, et une fondation adossée à l’entreprise qui œuvre pour l’égalité des chances dès la maternelle. La spécificité de cette structure juridique permet ici de sécuriser une aventure entrepreneuriale aux ambitions citoyennes, tout en s’adaptant aux formes d’engagements évolutives d’une nouvelle génération de porteurs de projets.
Ainsi, que ce soit à travers le développement des investissements à impact ou la création de structures juridiques adaptées aux nouvelles formes d’engagement, l’innovation philanthropique a nourri les discussions des participants, qui ont pu confronter leurs analyses et leurs pratiques aux présentations de nos deux experts du Think Tank.
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Le 8 avril 2021, les experts du Think Tank de la philanthropie se sont réunis pour un nouveau webinaire. À l’occasion de cette rencontre virtuelle, le Think Tank accueillait Denis Duverne, Président du Conseil d’administration du groupe AXA et Président du Conseil de surveillance de la Fondation pour la Recherche Médicale, pour partager son engagement philanthropique à travers la présentation de l’initiative « Changer par le don ».
Lancée en 2019 par Denis Duverne et Serge Weinberg, l’initiative « Changer par le don » a pour ambition d’inciter les personnes aisées à consacrer 10% de leurs revenus annuels ou de leur patrimoine à des associations et fondations reconnues.
Ce « Giving Pledge » à la française regroupe aujourd’hui plus de 90 signataires, allant du philanthrope au responsable d’association, tous engagés pour développer la philanthropie au service de l’intérêt général.
L’initiative « Changer par le don » est porteuse de deux messages clés :
- Le monde associatif regorge d’innovations, mais pour remplir sa mission il a besoin de temps et de ressources. Ces initiatives sont d’autant plus nécessaires que l’action publique a trouvé ses limites : l’État n’est plus capable d’assurer seul le soutien aux nombreuses causes sociétales et environnementales, et n’a donc pas d’autre choix que de partager la gestion du bien commun avec les citoyens.
- Le développement de l’engagement philanthropique dépend de la capacité des philanthropes à le faire savoir. Pour la population aisée, donner 10% de son revenu annuel n’est pas irrecevable. Cependant, pour que le mouvement prenne de l’ampleur, l’engagement des signataires doit s’accompagner d’une communication autour d’eux, afin de recueillir les signatures de leurs amis et réseaux.
« Changer par le don » tente de bousculer la culture philanthropique française : une philanthropie historiquement pudique et discrète, confrontée à une critique médiatique forte ces dernières années.
Comment peut-on encourager la très grande philanthropie française ? Quel traitement médiatique des philanthropes ? Quelle articulation entre sa philanthropie personnelle et le mécénat de son entreprise ? Quelle place des femmes dans le paysage de la philanthropie ?
De l’importance du système fiscal incitatif en France à la culture du don chez les jeunes générations, les experts ont partagé leurs réflexions avec l’invité du Think Tank et ont ainsi nourri un débat constructif et enrichissant.
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Le 4 février dernier, le Think Tank de la Philanthropie accueillait Pascal Saint-Amans, directeur du Centre politique et d’administration fiscale de l’OCDE, pour présenter aux experts le rapport « La fiscalité et la philanthropie ». Fruit d’un projet de collaboration avec le Centre en philanthropie de l’Université de Genève, ce rapport a été publié par l’OCDE en novembre 2020.

Depuis plusieurs années, le secteur de la philanthropie se développe dans de nombreux pays et représente un poids économique de plus en plus conséquent. Pourtant, les aspects fiscaux de la philanthropie restent peu recensés et leurs spécificités demeurent souvent méconnus. Face à ce constat, l’OCDE propose à travers ce rapport un état des lieux détaillé de la fiscalité des organismes et des dons à caractère philanthropique dans 40 pays membres et participants. Première étude sur le sujet, sa mission n’est pas de proposer des recommandations mais de faire une mise en lumière de l’ensemble des mesures fiscales envisageables pour les pays.
Pour l’OCDE, le développement de la philanthropie dans le monde est la conséquence de phénomènes positifs, notamment l’expression d’un fort intérêt des citoyens pour soutenir des causes d’intérêt général à travers le don, mais son développement est aussi et malheureusement lié au recul du financement public, conduisant les organismes sans but lucratif à essayer de développer davantage de source de financement.
Le rapport souligne l’existence de régimes fiscaux favorables à la philanthropie partout dans le monde, qui concernent aussi bien les individus donnant aux organismes sans but lucratif que les organismes bénéficiant des dons. Les techniques fiscales pour favoriser la philanthropie restent cependant assez limitées dans le monde. Elles reposent essentiellement sur les logiques suivantes :
- Pour les organismes philanthropiques, une logique d’exemption des activités. Ils vont être exemptés de fiscalité, avec comme condition commune à l’ensemble des pays, le fait d’appartenir aux domaines dit « d’intérêt » reconnus par l’État.
- Pour les donateurs, 3 logiques différentes : le crédit d’impôts, la réduction d’impôts et l’exonération des montants donnés sous la forme de mécénat dans les entreprises.
L’OCDE aborde également la question des risques potentiels face au développement de la philanthropie, étroitement liés à l’activité des entreprises. Du fait de l’évolution de l’économie et de l’accroissement des inégalités, l’OCDE recommande de suivre de près ces tendances afin d’éviter de tendre vers une substitution de personnes privées à la représentation nationale : en d’autres termes, elle souhaite éviter le développement d’une vision privée et individuelle du monde en opposition à l’accord collectif (représenté notamment par l’impôt).
Enfin, ce rapport met en exergue le besoin de transparence et la nécessité de suivi des actions du secteur philanthropique. Pour les différents régimes en place émerge le besoin d’une bonne coordination entre les services des impôts et des finances, mais également les services des États concernés par les activités en cause. Pour l’OCDE, le contrôle ne doit pas se restreindre à la question de l’impôt, mais doit être étendu plus largement pour assurer une bonne utilisation des fonds, et un développement allant vers la bonne direction.
Comment la fiscalité pourrait-elle répondre aux enjeux de transparence et de stabilité du secteur de la philanthropie ? Face aux nouvelles préoccupations mondiales, telles que la cause environnementale et les problèmes de santé publique, quel traitement fiscal pour les dons transfrontalier ? Une harmonisation des modèles fiscaux est-elle possible ?
Les experts ont partagé leurs questionnements et leurs points de vue à l’invité du Think Tank, des réflexions les amenant vers une volonté commune : emmener le rapport un cran plus loin et produire une note de recommandations concrètes visant à améliorer les systèmes des pays.
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En cette fin d’année 2020, les experts du Think Tank de la Philanthropie se sont réunis le 14 décembre, autour d’un petit-déjeuner d’échange à distance.
À cette occasion, le Think Tank accueillait Charles Le Gac, Président de Solifap et Caroline Germain, déléguée générale de l’ADASI, pour échanger sur le thème « Fonds d’investissement à impact : exemples d’hybridation de modèles au service de l’intérêt général ».
Solifap est une société d’investissements solidaires née en 2014 de la rencontre entre la fondation Abbé Pierre et le groupe AG2R la Mondiale. Son rôle est d’apporter les investissements nécessaires au renforcement et au financement des acteurs de la lutte contre le mal-logement.
Cette société d’investissement s’inscrit comme un outil complémentaire de la fondation, du point de vue du modèle économique : Solifap rassemble de l’épargne solidaire de particuliers et des grands investisseurs du secteur de la finance solidaire, là où la fondation collecte du don. Et Solifap accompagne ses partenaires d’un bout à l’autre de la chaine, dans une hybridation de leurs ressources, notamment en leur permettant d’être moins dépendants de subventions publiques.
L’ADASI est l’association de développement de l’accompagnement à la stratégie des projets d’intérêt général. Elle a été cofondée par le Mouvement Associatif, l’Avise, Syntec Conseil et le RAMEAU, dans l’objectif de développer des solutions de conseils en stratégie dédiées au monde associatif. Elle travaille avec des fondations et des acteurs publics qui se questionnent sur les nouvelles possibilités pour compléter leurs logiques de subventions et de dons, et tendre vers des logiques d’investissements. Ce sont pour la plupart des financeurs dotés d’une forte capacité de prise de risque, grâce à une sécurisation portée par le don.
La complexité des réflexions liées à l’hybridation d’un modèle est renforcée par une réalité du secteur de notre pays : en France, il existe des projets ayant des modèles socio-économiques dit d’intérêt général, et d’autres dit d’utilité sociale.
Comment qualifier un projet qui aujourd’hui a un modèle économique d’intérêt général, pour devenir un projet pouvant potentiellement recevoir un investissement ? Comment l’accompagner dans un parcours multi-expertises pour qu’il trouve son modèle de déploiement et in fine son modèle socio-économique ?
Certains projets ont trouvé leur modèle économique d’abord grâce à un investissement d’intérêt général, avant de trouver leur équilibre économique pour une utilité sociale. Pour l’ADASI, c’est dans ce cheminement que l’investisseur philanthropique trouve du sens à son soutien.
Quelle frontière entre investissement solidaire et philanthropie ? Quel rôle à jouer pour les fondations abritantes afin de contribuer au développement de ces modèles ? Quel positionnement des pouvoirs publics ?
Les experts observent depuis quelques temps un intérêt croissant pour ces nouvelles logiques de financement solidaires et croient en un réel tournant du secteur. Toutefois, en France, la culture de l’investissement reste timide pour beaucoup d’acteurs du secteur, et des innovations techniques et juridiques seront nécessaires pour y remédier. Le rôle des prescripteurs reste essentiel dans l’émergence de l’hybridation de ces modèles au service de l’intérêt général.
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Pour sa rentrée, le Think Tank de la philanthropie proposait à ses membres un nouveau webinaire sur le thème : « les grands donateurs face aux crises ». Les experts se sont donc retrouvés le 1er octobre autour d’un petit-déjeuner à distance, pour découvrir le retour d’expérience de deux structures collectrices, face à deux crises radicalement différentes. Des témoignages partagés par :
- Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre-Dame, sur la collecte exceptionnelle pour Notre-Dame de Paris en 2019
- Frédérique Chegaray, responsable Dons et Mécénat de l’Institut Pasteur et Caroline Cutté, responsable du pôle relations Grands donateurs de l’Institut Pasteur, sur la collecte lors de la crise de la Covid-19

De 2019 à 2020, deux crises traversées par la France ont ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire de la générosité.
D’un côté, une collecte de près de 850 millions d’euros de dons et promesses de dons, en réaction à l’incendie de Notre-Dame, caractérisée par une immédiateté unique (68% des fonds collectés en 48h) et incarnée par 20 grands philanthropes représentant 92% de la collecte. De l’autre, une collecte en 2 mois de près de 78,4 millions d’euros de dons et promesses de dons, liée à une urgence sanitaire mondiale sans précédent, mobilisant l’ensemble de la population et plus que jamais les entreprises et les fondations. Cette collecte a notamment été structurée par l’alliance « Tous unis contre le virus » créée par 3 structures emblématiques aux rôles complémentaires : Fondation AP-HP pour la recherche, Institut Pasteur et Fondation de France.

Quelles sont les nouvelles logiques des philanthropes ? Quelle organisation en interne pour répondre aux élans de générosités et/ou pour les stimuler ? Quel traitement médiatique ? Autant de questions autour desquelles les intervenants ont mis en exergue certaines différences observées, mais aussi et surtout des comportements similaires chez les grands donateurs lors de ces deux crises.
Pour la Fondation Notre-Dame comme pour l’Institut Pasteur, les bienfaiteurs fidèles ont répondu présents et apporté leur soutien. On observe cependant de nouvelles mécaniques et comportements chez certains nouveaux grands donateurs avec l’émergence de profils proches d’une culture philanthropique « américaine ». Les attentes en termes de contreparties peuvent être renforcées pour ces personnes dont les sphères professionnelles et personnelles sont fortement liées.
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